L’ulcère de l’estomac (ou ulcère gastrique) est une affection très répandue. Dans le monde du sport, cette affection touche environ 60% des chevaux. Un chiffre qui monte jusqu’à 93% dans l’univers des courses. Je tente de vous expliquer dans cet article l’origine des ulcères gastriques et les recommandations scientifiques qui vous permettront de réduire au maximum les risques.
L’estomac du cheval est un réservoir de 10 à 15 litres. Cet organe est tapissé par une paroi qui comprend deux parties distinctes : la muqueuse glandulaire et la muqueuse squameuse.
La première sécrète en permanence des substances qui permettent de couper et de liquéfier les aliments arrivant dans l’estomac. En même temps, la muqueuse glandulaire sécrète des substances protectrices (mucus, bicarbonate, …) pour ne pas subir les attaques acides.
La muqueuse squameuse est semblable à celle de l’œsophage. Elle ne possède pas de barrière protectrice contre les méfaits des attaques acides, ce qui explique que c’est à cet endroit que l’on trouve majoritairement les ulcères. Lorsque l’équilibre entre les substances protectrices et les substances « agressives » se rompt, il se produit une détérioration de la muqueuse de l’estomac. L’ulcère gastrique correspond précisément à cette altération. Il peut aller de la simple érosion à la perforation.
Quels sont les facteurs favorisant les ulcères gastriques ?
Selon certains spécialistes, les ulcères gastriques seraient la conséquence d’une mauvaise « utilisation des chevaux ». En effet, dans la nature, le cheval broute en permanence, et le flot continuel de salive et d’herbe permet de neutraliser l’acidité de l’estomac. Aujourd’hui, la plupart des chevaux à l’entraînement passent beaucoup de temps au box et reçoivent des rations concentrées, administrées de manière ponctuelle. Cette alimentation ne permet pas de neutraliser l’acide sécrété de manière naturelle et permanente par l’estomac.
Néanmoins, plusieurs facteurs semblent être à l’origine de cette pathologie :
Pour le développement des ulcères de la muqueuse squameuse, l’excès d’amidon, une consommation insuffisante de fibres, le jeûne et l’exercice à haute densité sont des facteurs de risques connus.
L’ingestion élevée d’amidon (>2 g d’amidon / kg de poids vif / jour ou > 1g d’amidon / kg de poids vif / repas) augmente le risque d’ulcère gastrique. La fermentation microbienne de l’amidon dans l’estomac produit des acides gras volatils, entraînant une réduction de l’intégrité de la muqueuse et une augmentation de la perméabilité des tissus confrontés à l’acide gastrique.
Les chevaux, qui restent à jeun plus de 6 heures entre les repas de fourrages, présentent un risque accru d’ulcères gastriques. Ceci est probablement causé par la moindre production de salive, et donc une diminution de la capacité tampon dans l’estomac, ainsi qu’une vitesse de transit réduite. Ce problème peut être exacerbé par le fort mouvement et les éclaboussures de contenu gastrique sur les régions non glandulaires à cause des compressions abdominales pendant l’exercice.
La quantité et la composition du fourrage distribué ont également une influence et des quantités abondantes de fibres peu digestibles peuvent augmenter le risque. Par exemple, la paille est un faible pourvoyeur d’éléments tampon à cause de sa teneur basse en protéines et en calcium. De plus, la nature physique de la paille peut entraîner des irritations des muqueuses et/ou les forts apports de paille dans la ration peuvent affecter la texture du contenu de l’estomac.
La consommation de luzerne pourrait offrir une certaine protection contre la corrosion de la muqueuse squameuse liée à l’acide, certainement grâce à sa teneur élevée en calcium et protéines lui conférant un fort pouvoir tampon.
Les facteurs de risque des ulcères de la muqueuse glandulaire sont moins connus. Quelques études ont mis en avant que le stress et des prédispositions génétiques pouvaient être des facteurs contribuant au développement de ces ulcères.
Des lésions dites « secondaires » de la muqueuse glandulaire peuvent aussi se former à la suite de lésions localisées au niveau du duodénum (début de l’intestin grêle). Ces ulcères gastro-duodénaux sont rares chez les chevaux de plus d’un an, mais assez fréquents chez les poulains.
Quelles sont les recommandations alimentaires ?
Apporter aux chevaux suffisamment de fourrages (foin, enrubannés, ensilages) en respectant un minimum de 1.5% de leur poids vif en MS de fourrage par jour.
Pour les chevaux avec des besoins énergétiques faibles, nourrir avec des fourrages de basse énergie, mais en évitant la paille comme première source de fibres. Au contraire, pour les chevaux avec des besoins énergétiques élevés, préférer des fourrages de haute valeur nutritionnelle ou complémenter avec des fibres à haute teneur énergétique comme la pulpe de betterave déshydratée, les granulés de luzerne, les coques de soja, etc.
Évitez les longues périodes sans accès à des aliments fibreux (paddocks secs ou sales, boxes avec copeaux) et, si les chevaux n’ont pas fourrage à volonté, apporter au minimum trois repas quotidiens de fourrage.
Ne pas dépasser 1g d’amidon/kg de poids vif/repas, et idéalement moins de 2g d’amidon/kg de poids vif/jour. Chez des chevaux qui présentent des ulcères, réduire encore les apports d’amidon à moins de 1g/kg de poids vif/jour.
Pensez à ajouter des brins longs aux repas de concentrés, y compris de la luzerne, pour augmenter la mastication et la production de salive.
Si des apports énergétiques supplémentaires sont nécessaires, envisager une introduction progressive d’huile végétale (jusqu’à 100ml/100kg de poids vif), mais contrôlez les équilibres minéraux et vitaminiques de la ration finale.
Mettre les chevaux à la pâture dès que cela est possible (même s’il est important de noter que des ulcères peuvent survenir également chez des animaux conduits au pâturage).
Laissez de l’eau à disposition en permanence, même lorsque les chevaux sont à l’herbe.
Anaël MARZIN
Responsable marché Equideos