graminees chevaux

Si seule la couche muqueuse est atteinte, on parle d’érosion ; si les lésions sont plus profondes (atteinte des couches sous-muqueuse ou musculeuse), on parle d’ulcère. Dans les cas les plus graves, la perte de substance peut entraîner une perforation de la paroi créant ainsi une péritonite souvent mortelle.

Dans le monde du sport, cette affection touche environ 60 % des chevaux. Un chiffre qui peut atteindre 93 % dans l’univers des courses. Même les poulains et les foals ne sont pas épargnés : des études mettent en évidence des ulcères gastriques chez un jeune sur deux, quelque fois de façon totalement asymptomatique. Les chevaux de loisirs ne sont « que » 10 à 15 % à être frappés par cette affection.

Toutes les enquêtes épidémiologiques réalisées après une gastroscopie (ou endoscopie digestive) ou quelque fois malheureusement, après une autopsie, montrent de façon quasi-systématique (92 % dans une étude portant sur 200 chevaux) la présence d’ulcères chez les chevaux atteints d’affections gastro-intestinales : colique, baisse d’appétit, amaigrissement, diarrhée intermittente, etc. Même lorsque le cheval ne présente aucun symptôme digestif, les ulcères gastriques sont très fréquents.

Un mode d’apparition lié à l’acidité gastrique

L’estomac est le lieu où les aliments sont acidifiés et subissent les premières dégradations enzymatiques de la digestion. La pathogénie des ulcères est directement liée à ces sécrétions continues d’acides gastriques, même en l’absence de bol alimentaire. Les périodes de jeun, même les plus courtes, entre deux repas par exemple, sont à l’origine d’une diminution du pH (le pH traduit l’acidité d’un milieu, plus le pH est bas et plus le milieu est acide) favorable aux érosions de la paroi, puis aux ulcères (inférieur 2). L’acide chlorhydrique et les enzymes digestives sont sécrétés essentiellement par la partie ventrale inférieure, dite « glandulaire », de l’estomac. Chez les adultes, cette zone bénéficie de mécanisme d’autoprotection efficaces (couche épaisse de mucus, sécrétion de bicarbonates, prostaglandine E2 dites « cytoprotectrices », flux sanguin, renouvellement cellulaire et motilité gastrique). En revanche, la partie dorsale (supérieure), dite « squameuse » et non glandulaire, ne dispose d’aucun système de protection, et est beaucoup plus sensible aux attaques acides.

Des symptômes flous

Le cheval atteint d’ulcères présente des signes d’inconfort assez peu spécifiques : coliques (variables en fréquence et en intensité), appétit capricieux, grincement de dents (bruxisme), changement de comportement en relation avec les repas ou non, abattement, décubitus dorsal (position antalgique) en cas de crise aiguë. D’autres signes sont encore moins caractéristiques : hyper salivation, bâillement, éructation, baisse des performances, perturbation de la concentration, perte d’état, poil terne, diarrhée. Mais attention, ces signes d’appel ne sont pas tous présents en même temps ; le tableau clinique est rarement typique.

Un syndrome difficile à mettre en évidence

De façon un peu caricaturale, la présence d’ulcères peut être suspectée face à tout cheval « à risque » (à l’entraînement, vivant au box et/ou soumis à un stress) et présentant des symptômes (baisse de performance et/ou d’état). Le diagnostic de certitude n’est pas facile à établir ; seules les cliniques équines équipées pour pratiquer des gastroscopies, avec un endoscope de trois mètre de long peuvent y prétendre.

Les ulcères peuvent être profonds ou superficiels, parfois saignants. Ils sont, soit petits et nombreux, soit regroupés en larges plages coalescentes. Ils sont plus fréquemment localisés dans la muqueuse squameuse proche de la margo plicatus (ligne séparant les deux parties de l’estomac), parfois au sein de la muqueuse glandulaire sur la petite courbure de l’estomac ou dans le pylore, plus rarement dans le duodénum. Il est parfois nécessaire d’effectuer une radiographie avec un produit de contraste pour évaluer le bon fonctionnement de la vidange gastrique ou pour mettre en évidence une striction au niveau du pylore (cicatrisation d’ulcères importants entraînant une fibrose de la muqueuse gastrique). Si des ulcères sévères ou des ulcères duodénaux sont mis en évidence, une échographie abdominale et une paracentèse (prélèvement de liquide abdominal pour effectuer des analyses cytologiques, biochimiques ou bactériologiques) permettent d’évaluer le risque de perforation et de péritonite.

Il est toujours possible de tenter un diagnostic thérapeutique : il nécessite au moins deux semaines de traitement chez l’adulte et quelques jours chez le poulain, pour constater une amélioration clinique. Cette amélioration étant difficile à objectiver lorsque les symptômes sont aussi flous qu’une baisse de performance, l’efficacité du traitement peut aussi être vérifiée par gastroscopie.

Un traitement surtout médical

Le traitement médical consiste à diminuer et à neutraliser l’acidité gastrique. Il existe plusieurs schémas thérapeutiques possibles, utilisés souvent en association selon la localisation et la gravité des troubles.

- Les inhibiteurs de la pompe à protons sont les seuls à agir directement sur la sécrétion d’acide chlorhydrique induite par l’enzyme triphosphatase-proton-potassium (ou « pompe à proton H+ »).
- Les traitements tels que les antihistaminiques agissent en amont de la pompe à protons, en inhibant une des voies qui activent la pompe.
- Les anti acides ou les pansements gastriques agissent en aval de la pompe. Ils n’empêchent pas les sécrétions acides mais limitent leurs effets en protégeant les muqueuses pendant quelques heures. ( ULSER GARD ).

Ces traitements sont longs (au moins trois semaines) et souvent onéreux. Une mise au repos du cheval améliore les résultats obtenus. Il est indispensable d’associer le traitement médical à des mesures diététiques (fourrage en libre service ou mise à l’herbe, aliment concentrés distribués en plusieurs petites rations réparties dans la journée) et à une vermifugation régulière. S’il est impossible d’éviter les situations de stress (compétition, entraînement, transport, etc.), on peut recourir à un traitement préventif pour protéger la muqueuse gastrique.

Le traitement chirurgical est rarement réalisé en pratique ; cette chirurgie lourde est indiquée en cas de perforation ou de sténose cicatricielle. Selon l’étendue et l’emplacement des lésions, il est possible de réaliser des by-pass » pylorique gastro-duodénal ou gastro-jéjunal, des duodéno-jéjunostomie ou jéjuno- jéjunostomies (communication artificielle entre les différentes parties du tube digestif).

Un pronostic parfois sombre

Le pronostic varie selon le nombre, la taille et le stade évolutif des lésions :

- Les ulcères perforants ou cicatriciel sténosants sont d’un pronostic sombre, voire très sombre. En l’absence de traitement chirurgical précoce, la seule issue est la mort ou l’euthanasie.
- Les ulcères évolutifs (lésions de la muqueuse glandulaire, de la muqueuse gastrique squameuse à un stade avancé ou lésions duodénales) sont d’un pronostic réservé. Le traitement est une urgence et le principal risque est la péritonite par perforation.
- Les ulcérations peu profondes de la muqueuse squameuse ou les érosions diffuses sont d’un pronostic meilleur, mais la mise en œuvre d’un traitement est nécessaire.
- Enfin, chez les animaux jeunes (moins de deux mois), certains ulcères affectant la muqueuse squameuse à proximité du margo-plicatus et sur la grande courbure de l’estomac, cicatrisent spontanément.

Les chevaux sont au moins autant, voire plus, atteints d’ulcères que leur propriétaires, éleveurs ou entraîneurs, anxieux de leurs résultats et soucieux de leurs performances. Cette affection altère le confort de vie du cheval et est souvent responsable d’une baisse de performances. Heureusement, la médecine vétérinaire bénéficie des avancées de la médecine humaine dans le domaine des traitements anti-ulcéreux. Toutefois, la prévention est, comme bien souvent, le meilleur remède. Un cheval nourri de façon continue dans la journée, correctement vermifugé, en bon état général et non stressé, a beaucoup moins de risque de développer des ulcères.

Anaël MARZIN
Responsable marché Equideos