Nous avons tous hâte que l’hiver se termine, autant nous que les chevaux, pour retrouver les pâtures ! Mais attention, je vous conseille de ne pas vous précipiter, autant pour le bien de la pâture que pour celui du cheval. Comment réaliser la mise à l’herbe de son cheval ? Quels sont les risques ? Quelques conseils dans cet article !
Mise à l’herbe progressive pour le cheval
Il ne faut pas oublier que lorsque l’on nourrit le cheval, on nourrit aussi et surtout la diversité de sa flore intestinale. La diversité de la flore permet au cheval de répondre à la diversité des apports alimentaires qu’il peut rencontrer dans la nature, mais ces changements sont en général très progressifs. Le cheval domestique possède déjà un microbiote différent du cheval sauvage, il est notamment beaucoup moins diversifié donc beaucoup moins adaptable.
En réponse à un changement alimentaire, il faut distinguer deux types d’adaptation du microbiote, celle de la composition (structure du microbiote) qui est très rapide et celle de la fonction (entière adaptation à la nouvelle ration) qui prend plus de temps. En général, la composition de la flore s’adapte en une semaine à un changement brutal. Cette modification implique une modification rapide de l’écosystème intestinal (pH, humidité, etc.) qui interagit avec le cheval. En effet, chaque microbe a sa fermentation, par exemple les bactéries utilisatrices d’amidon le transforment en acide lactique.
Si on change le régime du foin à l’herbe, celle-ci est beaucoup plus riche en sucres que le foin, et va provoquer un changement de composition vers une plus grande concentration de bactéries utilisatrices de sucres et en général acidifiantes. Cette diminution du pH peut provoquer la mort rapide de nombreuses bactéries fibrolytiques, ce qui est à l’origine de la production de toxines et peut favoriser l’apparition de diarrhées ou fourbures.
Autrement, si le cheval a un régime à base de foin et de concentrés céréaliers, la flore intestinale se sera adaptée pendant l’hiver et sera moins diversifiée donc moins adaptée à la diversité des apports de l’herbe. Le passage à l’herbe pourra alors provoquer une augmentation de la production de gaz ou une diminution de la digestion des fibres, engendrant ainsi des coliques.
La capacité d’adaptation de la flore intestinale en réponse à un changement alimentaire dépend de chaque cheval, ce qui explique que pour un même changement certains développent des problèmes métaboliques et d’autres non.
Il est important de se rappeler que le changement alimentaire induit par la mise en pâture, amène aussi un changement dans les interactions sociales entre chevaux, dans l’exercice physique, dans l’environnement (température, humidité, luminosité), autant de changements qui peuvent avoir un impact sur le métabolisme du cheval tout autant que sur sa flore intestinale.
Ainsi, il est important de faire une transition progressive (1h de plus tous les jours) sur 10 à 14 jours en fonction de l’importance du changement afin d’éviter un changement de composition brutale pour l’écosystème microbien et pour le cheval mais aussi pour limiter, chez le cheval, un gros stress lié au changement de conditions de vie. Il est possible de réguler les perturbations du microbiote grâce à des pré et probiotiques, comme les levures par exemple, qui ont tendance à maintenir l’équilibre entre chaque communauté bactérienne même avec un changement de régime. Et d’apporter des compléments pour accompagner les changements environnementaux qui vont perturber le cheval (stress, insectes, température).
Même si l’herbe est plus riche en énergie et protéine, elle n’est pas forcément suffisante pour combler les besoins du cheval, notamment pour les apports en minéraux et oligo-éléments. Ainsi, réfléchir la ration du cheval en fonction de ses besoins et de la qualité et quantité de l’herbe (qui varient durant la saison) reste primordial pour assurer la santé de son cheval. Je vous conseille de mettre à disposition des blocs à lécher tel que dans la prairie s’il n’y a plus d’apport de concentrés, ou d’allier apport minéral et défense contre les insectes grâce à .
De plus, l’herbe jeune ne présente pas toute la diversité de fibres nécessaire pour le cheval, ainsi, laisser à disposition du foin au début de la mise au pré, peut permettre d’éviter quelques épisodes de diarrhées.
Mise à l’herbe réfléchit pour la pâture
La mise au pré n’est pas un stress que pour le cheval, il faut aussi considérer sa pâture. En effet, si l’on souhaite réussir sa saison de pâturage en optimisant au plus l’herbe, c'est-à-dire éviter les gâchis et exploiter au bon moment, il ne faut pas lâcher les chevaux dans la pâture sans réfléchir.
Quel que soit son type de pâturage (tournant, continu), il faut que la hauteur de l’herbe à l’entrée des chevaux au pâturage soit adaptée au mois de la mise à l’herbe. En effet, au début et au cours du printemps, on peut se permettre de faire entrer les chevaux à 8-10 cm de hauteur d’herbe, grâce à la rapidité de croissance durant cette période. En revanche, en fin de printemps et début d’été, il vaut mieux attendre une hauteur d’herbe autour de 10-12 cm pour prévoir le ralentissement de la pousse de l’herbe, et assurer le maintien de la végétation pendant la période sèche.
En pâturage tournant, il peut être intéressant d’associer la transition alimentaire de mise à l’herbe et déprimage de certaines parcelles, pour faciliter leur rotation et leur gestion durant la saison.
De plus, la période de mise à l’herbe coïncide souvent avec la fin de l’hiver, qui peut encore se ressentir, notamment en termes de portance des sols. Faire une entrée progressive et à faible chargement des chevaux dans la pâture, le temps de la transition alimentaire, permet d’épargner les pâtures et d’assurer leur durabilité durant la saison.
Sources :
Julliand V., Grimm P., 2017. The impact of diet on the hindgut microbiome. Journal of Equine veterinary Science, p23-28
Suzie Bathellier
Chef de produit