Horloge biologique chez le cheval : Quels sont les facteurs qui influencent la vie de nos chevaux ?

Comme tous les mammifères le cheval a un fonctionnement rythmé, certains paramètres évoluent en fonction du jour et de l’année, comme la reproduction, la chute des poils, l’immunité. Comment fonctionnent ces rythmes ? Comment les facteurs environnementaux peuvent influencer ces rythmes ? Quel impact sur notre utilisation du cheval ? Autant de questions auxquelles cet article tente de répondre …

Rythme circadien et circannuel

Tous les mammifères subissent le cycle jour/nuit fluctuant durant l’année. Le changement journalier et saisonnier de la photopériode (longueur du jour) est le paramètre environnemental dominant influençant notre horloge interne. Les rythmes circadiens sont à la base du processus de mesure de ce changement par les animaux pour adapter leur physiologie, notamment pour éviter la prédation, optimiser la disponibilité alimentaire et la réussite de la reproduction.

Par définition le rythme circadien est endogène (ressort du fonctionnement interne de l’animal), dure autour de 24 heures sous conditions constantes et peut être entraîné par des indices externes de temps. Le facteur temps le plus important permettant la synchronisation des rythmes circadiens à ceux de la planète (rotation journalière et annuelle de la planète) est la lumière. Les facteurs, plus secondaires, sont les rythmes d'entraînements (exercices physiques) et les moments d’alimentation. Le fonctionnement de l’animal est régi par un système circadien composé d’un réseau de rythmes circadiens intervenant dans son cycle repos/activité, comme la sécrétion hormonale (cortisol, testostérone), l’activité cardiovasculaire, le métabolisme (réaction chimique interne), l’immunité, la température, la vivacité d’esprit, et la performance musculo-squelettique. À l’échelle de l’année, ce système contrôle la reproduction, la pousse des poils, la migration, etc.

Le système circadien comporte donc trois composants : le stimulus de l’environnement extérieur (lumière), un système central (nerveux ou chimique) reliant l’information externe à celle interne, et enfin un changement dans le fonctionnement d’un organe ou du comportement. Une des hormones phares du système circadien est la mélatonine, elle est produite durant la nuit et sa sécrétion mime le rythme jour/nuit. Chez le cheval, une exposition brutale à la lumière ou l’obscurité induit un arrêt ou une augmentation de la production de mélatonine. Elle est le décodeur des changements saisonniers de la photopériode, celle-ci à l’inverse de la température, de la disponibilité alimentaire, ou de la météo, reste constante d’année en année.

Le système étant facilement modulable par des facteurs extérieurs, on comprend aussi qu’il soit facilement perturbable par notre façon de vivre et notre utilisation du cheval, notamment la pollution lumineuse ou le jet lag. Ces effets sont reconnus chez l’homme avec des pertes de performances notables et l’apparition de problèmes de santé.

Focus sur la reproduction :

La régulation circannuelle des cycles de reproduction permet aux chevaux de restreindre leur poulinage au moment de l’année le plus propice à la survie des poulains, c'est-à-dire lorsque la météo est plus douce et la pousse de l’herbe abondante (soit avril à septembre).

La saison de poulinage est déclenchée par la réduction de la sécrétion de mélatonine due à l’augmentation de la durée du jour. La mélatonine influence la sécrétion hormonale (gonadotrophine) qui influence à son tour la cyclicité ovarienne. La fluctuation de la température ambiante, de la disponibilité en nourriture et de la proximité de l’étalon peut aussi moduler la saisonnalité. La gestation peut aussi être influencée par la photopériode, notamment sa durée et le poids du poulain à la naissance. Jouer sur la photopériode et l’alimentation pour amener la cyclicité de la jument au période souhaitée peut être intéressant.

Étude sur la lumière : mais pas n’importe quelle lumière et pas n’importe comment !

Des études ont montré qu’une photopériode artificielle de 16h de lumière et 8h d’obscurité fournie par des ampoules permettait d’avancer la saison jusqu’à 3 mois. Des études suivantes ont prouvé que la lumière de faible longueur d’onde (465-485 nm plutôt dans le bleu) était plus efficace pour l’inhibition de la sécrétion de la mélatonine. De même, des masques de lumière bleue sur un seul œil avaient au moins une efficacité aussi importante que sous les ampoules bleues d’écurie. La lumière rouge a des effets plutôt positifs lorsqu’elle est utilisée la nuit car elle ne perturbe pas le cheval contrairement à la lumière blanche.

Ainsi toutes les lumières ne sont pas égales, la lumière naturelle a un spectre qui passe du visible, à l’utra-violet ou à l’infra-rouge. Il a été démontré que la chronoperturbation (résultat d’une sous exposition le jour ou une surexposition la nuit à la lumière) était responsable chez l’homme de nombreux soucis de santé.

Pour des questions de santé, de bien être animal ou de performance, il peut être intéressant de changer notre système d’éclairage !


Source :
B. A. Murphy, C. M. Walsh, E. M. Woodward, R. L. Prendergast, J. P. Ryle, L. H. Fallon and M. H. T. Troedson, 2013. Blue light from individual light masks directed at a single eye advances the breeding season in mares. Equine Veterinary Journal, 5.
B. A. Murphy, 2019. Circadian and Circannual Regulation in the Horse: Internal Timing in an Elite Athlete. Journal of Equine Veterinary Science, 76, 14-24.
C.H.G. Irvine and S.L. Alexander, 1994. Factors affecting the circadian rhythm in plasma. Domestic Animal Endocrinology, 11, 227-238.
G. Piccione, G. Caola & R. Refinetti (2002) The Circadian Rhythm of Body Temperature of the Horse, Biological Rhythm Research, 33:1, 113-119.