Les fourrages enrubanné ont fait leur apparition en France depuis quelques années. Sous l’appellation générique d’enrubannage, on classe en réalité des produits bien différents. De même que dire que l’on donne du granulé à un cheval ne suffit pas à caractériser la qualité de la ration, l’utilisation de ces fourrages répond à des règles précises qui dépendent des caractéristiques du produit.
La valeur nutritionnelle du fourrage dépend de trois principaux facteurs : les espèces, le stade végétatif et les conditions de récolte.
Le choix des espèces
Les légumineuses et les graminées sont les deux principales familles de plantes donnant lieu à des cultures fourragères. Les légumineuses sont capables de fixer l’azote de l’air et sont principalement riches en protéines. Elles sont peu adaptées à l’enrubannage car elles induisent des fermentations indésirables et la dureté de leur tige endommage le film protecteur.
Les graminées sont donc les principales espèces utilisées dans ce type de fourrage. Dans cette famille citons les rays grass anglais et italiens, la fétuque et le dactyle. Le choix des variétés utilisées en mélange est discuté en fonction des potentialités agronomiques du sol et des caractéristiques climatiques.
Le stade de récolte
D’une manière générale, plus le fourrage est utilisé à un stade précoce et plus sa valeur est élevée. En effet, le végétal est grossièrement constitué de feuilles et de tiges. Quand le végétal est jeune, la proportion de feuilles est importante ; lorsqu’il vieillit, la proportion de tiges augmente. On en déduit que lorsque le fourrage vieillit, sa teneur en tige augmente et donc sa valeur nutritionnelle baisse. Dans le même temps, sa teneur en matière sèche augmente.
Pour la première coupe, on parle du stade épi à 10 cm, début épiaison, épiaison, début floraison, floraison. L’INRA a mis au point des tables de valeurs nutritionnelles pour toutes sortes de fourrages aux différents stades répertoriés. Ces valeurs sont exprimées en kg de matières sèches constituées de la matière brute moins la teneur en eau. Ainsi, un fourrage à 85% de matière sèche contient en réalité 15% d’eau. Le taux de matière sèche varie considérablement en fonction du stade végétatif mais surtout en fonction du mode de conservation. Les valeurs énergétiques ramenées au kg de matière sèche peuvent varier du simple au double. Le fourrage enrubanné présente des valeurs nutritives intermédiaires entre le fourrage vert au stade épiaison et floraison. En tout état de cause, ce mode de conservation permet d’obtenir de meilleurs résultats que le foin sec.
Principe de production de l’enrubanné
Les grands modes de conservation des aliments reposent tous sur les mêmes principes. Il s’agit soit de bloquer les proliférations bactériennes, soit de les orienter dans un sens favorable à la transformation du produit. Les ressources nutritives des microorganismes sont l’eau et la matière organique. Pour conserver un produit, on dispose de plusieurs stratégies.
- Bloquer leur prolifération en éliminant la flore microbienne par stérilisation par exemple et en rendant le produit hermétique.- Bloquer l’accès aux ressources nutritives en limitant l’accès à l’eau : congélation, déshydratation, séchage (production de foin), salaison.
- Orienter les fermentations pour améliorer les qualités nutritionnelles du produit : c’est ce dernier processus qui est utilisé dans la fabrication de l’ensilage ou de l’enrubanné.
Il s’agit dans les deux cas de conserver un produit ayant un taux de matière sèche bien inférieur à celui du foin et supérieur à celui de l’herbe verte. Il s’élève de 25 à 30% pour les ensilages d’herbe et varie entre 60 et 75% pour les fourrages enrubannés.
Dans les deux cas, le principe de conservation est le même. Après avoir été coupée, l’herbe est conservée à l’abri de l’air par un film plastique. Le végétal continue de respirer et consomme l’oxygène présent sous le film. Ensuite, lorsque la totalité de l’oxygène est consommé, le végétal meurt et les fermentations sont de type anaérobie. Dans les deux cas, ces fermentations correspondent à une sorte de pré digestion. L’enrubannage permet d’obtenir un fourrage beaucoup moins acide que l’ensilage et dont la stabilité, une fois le sac ouvert, va directement être liée au taux de matière sèche.
Les avantages de l’enrubanné sont nombreux
Ce sont des fourrages très appétants qui sont indemnes de poussière. Ils sont donc particulièrement bien indiqués pour les chevaux présentant des affections pulmonaires. Le film protecteur les protège de l’humidité. Ils peuvent donc être stockés dehors, à condition évidemment d’être disposés sur une surface saine.
Ils présentent généralement de bonnes valeurs nutritionnelles. Le résultat obtenu est souvent meilleur que celui auquel on pourrait s’attendre compte tenu des valeurs issues des analyses. La première raison est qu’il n’existe pas d’équation de prévision des valeurs nutritives spécifique à ce type de fourrage. Les laboratoires d’analyse utilisent donc les équations intermédiaires entre celles du foin et celles de l’ensilage. Or, dans l’enrubannage, il y a moins de perte sous forme de jus que dans l’ensilage, et par ailleurs le fort taux de matière sèche de ce produit est plus le fait d’un préfannage soigné que d’un vieillissement de la plante. On arrive ainsi probablement à sous estimer la valeur énergétique. La seconde raison tient au fait que l’unité d’évaluation de la valeur azotée (le gramme de MADC) ne reflète pas la valeur en acides aminés de l’aliment mais seulement une estimation de la quantité d’azote disponible. Cette nuance est d’importance car en réalité, les protéines de l’enrubannage sont bien plus facilement disponibles pour le cheval car moins liées aux parois que pour le foin. L’enrubannage présente beaucoup moins d’azote libre susceptible de générer de l’ammoniac ou de l’urée que l’ensilage.
En clair, à même quantité d’azote, l’enrubanné présente non seulement des protéines de meilleure qualité que le foin et l’ensilage, mais ces protéines sont plus facilement assimilables au plan enzymatique.
Les inconvénients
Il est raisonnable de réserver ce mode de conditionnement à des surfaces dédiées exclusivement à la production de fourrage. En effet, non seulement on bénéficie d’une meilleure productivité de la parcelle mais aussi on fournit au cheval des fourrages indemnes de contamination parasitaire. Il faut également veiller à ce que le fourrage ne soit pas contaminé par de la terre, car alors le risque de botulisme est réel.
Enfin, il faut bien comprendre que l’étanchéité de l’emballage est une des conditions incontournables de la bonne conservation du fourrage. Celle-ci dépend de la qualité du film (FILM ENRUBANNAGE) et bien évidemment du nombre de tours réalisés autour du ballot. De plus, il faudra également veiller à ce que tout ballot dont l’ensachage aura été percé accidentellement soit consommé en priorité.
Il faut noter que certains chevaux ne tolèrent pas l’enrubanné et déclenche des diarrhées. Cette proportion est très faible mais non nulle. Dans ce cas, il ne faut pas s’obstiner et repasser ces animaux au foin.
L’enrubannage est probablement l’innovation récente la plus bénéfique à la santé des chevaux. Elle remet le cheval dans une logique d’herbivore et permet de sortir de régimes de types granulé-paille. En stimulant la digestion microbienne, elle limite le risque de colique de stase et fournit au cheval, sous forme d’acides gras volatils, la source d’énergie mobilisée dans les efforts aérobies.
Anaël MARZIN
Responsable marché Equideos